WORDS: Dappula Wijeyeratne

Combien de fois les meilleures stratégies d'achats ont-elles été rejetées d'emblée, simplement parce qu'elles remettaient en cause la manière traditionnelle d'accomplir les choses ?

Trop fréquemment, des conseillers extérieurs sont engagés pour réaliser un certain nombre d'économies motivées par une étude financière ou d'achats. Pourtant, à peine cette stratégie est-elle en place qu'elle se trouve invalidée au motif que son mode de fonctionnement est inadapté à la situation de l'entreprise.
 
Voici quelques suggestions sur la manière dont une stratégie d'achats doit être prise en considération et non balayée d'un revers de manche lors du processus décisionnel.

1. Comprendre les ambitions

Pour qu'une stratégie d'achats soit couronnée de succès, elle doit être assise sur des objectifs et des buts prospectifs. Les objectifs fixés par le service financier peuvent-ils être atteints par un simple exercice de réduction des coûts, ou exigent-ils au contraire une mutation beaucoup plus profonde de l'activité, qui implique par exemple des spécifications de produits différentes, de nouvelles méthodes de travail ou l'externalisation de certaines fonctions ? Si la stratégie d'achats est amenée à remettre en cause la manière dont l'entreprise provisionne habituellement ses biens et services, existe-t-il une réelle appétence pour de tels changements en interne ?

2. De quelle manière les achats s'inscrivent-ils dans le processus décisionnel ?

Qui détient le pouvoir ultime de ratification des stratégies d'économies ?
 
Le rôle joué par le service des achats dans le processus décisionnel final est une condition essentielle à la réussite des programmes déployés à grande échelle. Les réductions de coûts au plus haut niveau impliquent une contestation de toutes les décisions internes occasionnant des coûts, depuis la complexité des spécifications jusqu'aux méthodes de travail en passant par les procédures d'avalisation.
 
Pour qu'une nouvelle stratégie d'achats fasse l'objet d'une prise en compte équitable, il est vital que l'argumentaire avancé par le responsable concerné soit partagé comme il se doit. Le service des achats a toujours fait figure de parent pauvre dans les négociations d'entreprise. Ses suggestions sont souvent rejetées du simple fait que les responsables des opérations ne croient pas à une idée, ou n'ont simplement pas l'habitude de voir leurs décisions remises en cause. Dès lors, il arrive que certaines recommandations soient dénigrées bien avant de parvenir aux oreilles des cadres dirigeants.
 
L'un des moyens de progresser dans ce domaine consiste à garantir au service des achats un siège permanent aux délibérations, afin que les stratégies de réduction des coûts soient évaluées sur un réel pied d'égalité.
 
De même, les responsables financiers et des achats doivent pouvoir faire valoir leurs arguments conjointement, avant que les décisions ne fassent l'objet d'une procédure prédéfinie d'approbation ou d'arbitrage par les instances dirigeantes.

3. Les services des achats et des opérations doivent travailler en étroite collaboration

Il ne suffit pas de demander aux responsables des opérations de se mettre à l'écoute du service des achats. L'élément essentiel, dans la présentation d'une stratégie réussie, est de viser le cœur même de l'activité de l'entreprise. Le meilleur moyen d'identifier l'origine des points de tension est de passer du temps avec le personnel qui travaille concrètement dans les entrepôts ou sur les sites de production. Ce n'est qu'à cette condition que le service des achats saura élaborer une stratégie véritablement en phase avec les opérations, et pourra proposer une solution aux problèmes sous-jacents.
 
Le processus d'incorporation est vital pour démontrer la crédibilité d'une remise en cause des faits établis. Sans une compréhension détaillée de l'activité, même les meilleures idées sont vouées à l'échec. En cernant tous les aspects d'une activité lors du processus d'intégration et en gagnant la confiance des équipes en interne, le service des achats peut se positionner au mieux pour remettre en cause les hypothèses au long cours.

4. Étayer les idées par des faits et une évaluation des risques

La remise en cause de la manière dont une entreprise mène ses activités apparaît invariablement litigieuse et la raison pour laquelle de nombreuses « méthodes de travail » sont maintenues tient souvent à un mélange complexe de principes stratégiques, auxquels s'ajoutent divers degrés de tradition, de superstition et d'attitudes obsolètes.
 
Ces motivations ne sont pas toujours étayées par des faits précis.
 
Prenons l'exemple d'un fabricant qui pourrait réaliser une économie de 30 % sur ses frais d'emballage en adoptant des coloris standardisés. Cette stratégie serait immédiatement défiée par les responsables des opérations et du marketing en raison du risque négatif que cela représenterait en termes d'intégrité de la marque et de perception par les consommateurs. Pourtant, la même entreprise pourrait réaliser des économies de 30 % sur ses frais de justice en externalisant ses services transactionnels auprès d'un fournisseur à bas coût, sans engendrer la moindre dégradation des performances ni de la qualité.
 
Cette dernière stratégie aurait de bien meilleures chances de retenir l'attention dans la mesure où le risque associé serait beaucoup plus faible.
 
La réalisation d'économies nécessite de la détermination et de la créativité, aussi bien de la part de l'entreprise que des employés chargés de les identifier. Les clients amènent souvent les professionnels des achats à réduire les coûts de l'activité en faisant appel à une « pensée innovante », capable de remettre en cause les pratiques commerciales et les mentalités existantes. Or, ces stratégies ont une bien meilleure chance d'être acceptées lorsque le produit final présenté repose sur une compréhension détaillée des défis opérationnels de l'entreprise.

Cet article a été initialement publié dans Procurement Leaders.