L’ancien CPO de Diageo, Thibaut Eissautier, discute des gains d’échelle combinés avec l’agilité sur le marché local, le recrutement d’une main d’œuvre diversifiée et la construction d’une communauté mondiale des achats unique.

Diageo a été créé en 1998 suite à la fusion des géants Guinness PLC et Grand Metropolitan PLC.

Cela a permis de regrouper une large gamme de marques de consommation courante, notamment Häagen-Dazs, Burger King, Old El Paso, Pillsbury, Guinness, Johnny Walker et Smirnoff. 

Au cours des 17 dernières années l’entreprise a affiné son offre à travers de multiples cessions et acquisitions, et vends désormais ses produits dans plus de 180 pays et dispose de bureaux dans environ 80 pays, employant 36,000 personnes.

Echelle et agilité

Un élément crucial pour faire fonctionner une entreprise multinationale complexe, qui est désormais décentralisée en 21 marchés, a été de combiner les bénéfices d’échelle dans les achats avec l’agilité des unités opérationnelles en prise directe avec le marché et qui sont localement connectées avec les consommateurs. 

Thibaut Eissautier a passé trois ans à la tête du département achats structuré au niveau mondial, où il a cherché à trouver un équilibre entre échelle et agilité grâce à un Modèle Opérationnel Achats et un concept de « One Procurement Community ». 

Le développement des stratégies de catégories, les négociations avec les fournisseurs, et la gestion de la relation fournisseur sont dirigés au niveau mondial pour tirer profit de la taille de Diageo, ce qui est permis par des prises de décisions globales.

Pour maximiser l’agilité, la définition des exigences, la conclusion d’accords avec les fournisseurs, et la gestion de la performance des fournisseurs sont dirigés par les équipes achats de marché, qui rendent comptent localement aux 21 directeurs de marché.

Les achats de Diageo en chiffres

  • Gère environ £5mds de dépense annuelle, y compris les dépenses d’entités tierces

  • 400 employés

  • 30% des employés font partie de l’équipe achats globale et gèrent environ 80% de la dépense

  • 70% des employés répartis dans 80 pays ont des postes de marché

Faire bien les choses

Pour faire fonctionner une grande entreprise mondiale, Thibaut explique qu’il est nécessaire de :

  • Avoir une vision et un sens de la marche clairs

  • Développer un Modèle Opérationnel des Achats efficace, en synergie avec le modèle opératoire et la stratégie de l’entreprise

  • Etablir une gouvernance claire et de bonnes capacités fonctionnelles

  • Bâtir une équipe de direction robuste, inspirer et stimuler l’ensemble de l’organisation, et connecter réellement avec les parties prenantes internes et les marchés des fournisseurs externes

L’intégrité et avoir un personnel qui fait « bien les choses » est important pour Thibaut. « Nous sommes un acteur majeur sur de nombreux marchés, et cela s’accompagne d’une responsabilité de travailler avec les fournisseurs pour atteindre nos objectifs respectifs et une réussite mutuelle durable.

 « Cela requière de travailler ensemble avec nos fournisseurs plus stratégiques afin de créer le plus de valeur possible pour les deux entreprises et avoir un agenda clair concernant la collaboration, le développement produit et l’innovation »

Une des principaux défis dans cette entreprise est que les gens ne savaient tout simplement pas ce que font les achats, et ne comprenaient donc pas ce que nous pouvions faire pour les aider à atteindre leurs objectifs.

One Procurement Community

La capacité à travailler en une communauté mondiale unique a été un facteur clé du succès, selon Thibaut, qui s’exprimait juste avant son départ de l’entreprise en 2015. « Nous avons travaillé dur pour développer le concept de « One Procurement Community », ou OPC en bref.

C’est très important pour s’assurer que nous travaillons tous ensemble, sans heurt, peu importe où nous nous trouvons afin que, en tant que fonction, nous puissions permettre à nos marchés de gagner face à la concurrence. »

La planification globale des catégories est généralement faite sur la base de cinq ans, les plans étant ajustés chaque année avec les marchés, explique Thibaut. « Le but est de trouver le bon équilibre entre gains d’échelle et agilité – c’est la clé de la réussite dans les achats ».

Un point clé pour mettre en place « One Procurement Community » est de faire tourner régulièrement les employés dans les postes, encourager le personnel à travailler sur plusieurs pays, et gagner de l’expérience sur différentes catégories, selon Thibaut.

« Nous sommes prêts à prendre des risques avec nos employés, et nous avons rencontré de grands succès, avec des gens qui ont changé de catégorie et ont apporté une perspective plus large et une nouvelle énergie. Surtout, cela les amène en dehors de leur zone de confort et renforce leurs capacités de leadership »

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Lettre de mission

Le défi initial pour Thibaut et son département était d’établir la crédibilité et d’assurer que les objectifs et résultats obtenus par les achats étaient bien compris et reconnus dans l’entreprise.

« Nous avons travaillé dur pour bâtir une bonne relation avec la direction financière, et maintenant les objectifs et les résultats sont tous approuvés par la direction financière locale dans chaque marché. Cela a également permis d’améliorer le niveau de synchronisation avec les marchés : notre réussite est leur réussite », d’après Thibaut.

Construire des relations fortes avec les parties prenantes est un autre défi dans une entreprise mondiale si diversifiée, où les acquisitions et les changements sont fréquents.

« Un des principaux défis dans cette entreprise, comme dans beaucoup d’autres, est que les employés ne savaient tout simplement pas ce que font les achats, ou bien ne comprenaient pas ce que nous pouvions faire pour les aider à atteindre leurs objectifs », pour Thibaut.

Pour résoudre ce problème, Thibaut et son équipe de direction ont établi une lettre de mission claire, ce qui a aidé les parties prenantes dans le monde à comprendre ce que font les achats, et comment ils s’alignent sur les objectifs de l’entreprise. Cela a été un outil formidable pour donner une vision et de l’énergie à l’ensemble de l’organisation des achats autour de buts précis. « Nous l’avons réduit à une seule page, afin de pouvoir expliquer en moins de cinq minute l’essence de ce que les achats cherchent à atteindre.

Cette clarté dans la communication est critique pour avoir du poids auprès des clients internes de par le monde. »

Une performance durable

Le département a eu trois bonnes années, avec la « meilleure performance du benchmark ». Pourtant, Thibaut est déterminé à assurer la durabilité de la performance dans le temps, et qu’ils continuent à travailler de manière proactive avec les fournisseurs pour identifier de nouveaux domaines de création de valeur et d’innovation.

A l’avenir l’attention va se porter davantage sur la contribution des achats en haut du bilan, et plus seulement sur les opportunités d’augmentation des marges.

Il y a deux ans, Thibaut a nommé un des membres de son équipe de direction en tant que Directeur de la Durabilité, afin de renforcer l’élan dans ce domaine et assurer que les meilleurs pratiques sont bien transférées dans l’ensemble de l’entreprise.

En mettant en place son équipe de direction au cours des trois dernières années, Thibaut a adopté une approche scientifique et structurée pour disposer du bon mélange de compétences et de personnalités dans son équipe.

« Je suis passionné par la diversité. Pas du genre à cocher des cases, mais la diversité de pensée, de style, de personnalité et de culture. J’ai choisi mon équipe de direction afin qu’elle soit délibérément différente de moi.

Bien que nous ayons un socle fort de valeurs et de points de vue communs, nous avons des débats vraiment animés autour de questions clés, et à partir de là surgissent des idées meilleures et plus réfléchies, ainsi qu’un plus grand sentiment d’appropriation ».

Thibaut Eissautier a quitté Diageo en septembre 2015