Vous avez conduit le processus achats, accepté les budgets, validé les fournisseurs – alors pourquoi les économies attendues ne sont-elles jamais apparues sur le compte de résultat ?

Réaliser des réductions de coûts est un objectif fondamental de toute fonction achats. Et les « économies réalisées » sont généralement un indicateur clé. Pourtant dans beaucoup d’organisations, il semble y avoir un décalage permanent entre ce qui est promis par le CPO au début de l’année, et ce qui est constaté dans le compte de résultat à la fin de l’année.

Pourquoi ce décalage ? Les projections du CPO étaient-elles irréalistes ? Les économies n’ont-elles tout simplement pas eu lieu, en dépit du fait qu’elles ont été enregistrées ? Ou bien ont-elles été réalisées, mais elles ne peuvent simplement pas être retrouvées dans le compte de résultat ?

Faites attention aux hypothèses

Partons d’un exemple fictif auquel nous pourrons nous référer tout au long de cet article. Imaginons que, dans une entreprise manufacturière de taille moyenne, l’acheteur en charge de la maintenance, les réparations et les fournitures consommables (MRO) – qui inclut l’approvisionnement d’usine tel que les valves, pompes, moteurs, roulements, tuyaux, écrous et boulons – vient de conclure un accord avec un nouveau fournisseur MRO.

L’acheteur (appelons-le John) a suivi un processus d’achats de classe mondiale. Il a : 

  • Détaillé la baseline de l’an dernier en fonction du prix payé pour chaque écrou et boulon ; et

  • Produit un document calculant toutes les économies, et qui montre que le coût pour l’année à venir pour 800 éléments est 27% inférieur au coût de l’an dernier pour 1500 éléments

Le contrat avec le fournisseur est signé et pour autant que l’acheteur est concerné, son travail est fait. Si seulement c’était si simple. Il apparait déjà que « l’économie » n’est pas si facile à définir. L’acheteur nous dit que les 27% sont « la différence entre ce que nous aurions payé si nous avions acheté au prix de l’an dernier, et ce que nous pensons que nous allons acheter l’an prochain, en supposant que nous allons acheter un volume similaire, et que nous achèterons des articles de la liste harmonisée plutôt que de continuer à acheter les mêmes articles qu’aujourd’hui ». Il y a plein d’hypothèses, ce qui signifie plein de choses qui peuvent être erronées. 

Même si nous achetons exactement comme prévu, on pourrait argumenter que l’économie suppose quand même que si nous n’avions pas réalisé l’économie, nous aurions acheté au prix de l’an dernier. Mais que se passe-t-il si le prix de l’acier s’est effondré et a entrainé une chute des prix des pièces     MRO ?

Alors l’économie inhérente au nouvel accord serait bien moindre. Une « économie » dans ce contexte est une construction quelque peu théorique sur la base d’un certain nombre d’hypothèses. Donc même avant que nous ne regardions ce qui se passe pour l’économie de John dans la réalité, nous devons reconnaitre que, peu importe ce qu’il se passe, les chiffres vont changer.

Il n’est pas rare de perdre plus de la moitié des économies à cause d’un manque de conformité.

Points de fuite

Il y a un certain nombre de « points de fuite » dans le « parcours » d’une réduction de coûts alors qu’elle passe de la négociation des prix avec le fournisseur au compte de résultat. 

Ces points de fuite se cumulent pour réduire l’économie. Donc plus on peut boucher de fuites, plus petit sera le delta entre ce qui est promis et ce qui est réalisé. Considérons-les un par un :

1.    Calcul des économies

C’est le calcul du « coût de la baseline versus le nouveau coût » de John discutée plus haut. Si elle est erronée, alors les chiffres d’économies seront faux aussi. C’est pourquoi il est important de le faire correctement, ce qui implique de se baser sur des données de volume et de prix très détaillées, et faire des hypothèses qui résistent à l’examen.

2.    Mise en œuvre 

Les économies ne se matérialiseront pas en totalité si l’accord n’est pas correctement mis en œuvre. Cela implique de s’assurer que : 

  • Le nouvel accord est bien communiqué à tous les départements/divisions de l’entreprise

  • Les canaux d’achat et mécanismes de commande sont en place

  • Le fournisseur sait précisément quels produits doivent être livrés, à qui et à quel prix

  • Echouer à réaliser correctement une de ces tâches conduira l’entreprise à continuer à acheter au mauvais fournisseur, ou au mauvais prix

Compliance metrics

3.    Conformité

Même si le contrat est bien mis en œuvre, il y aura des problèmes de conformité qui devront être gérés de manière proactive pour que les économies soient totalement réalisées.

Il n’est pas rare de perdre plus de la moitié des économies à cause d’un manque de conformité. La conformité comprend plusieurs éléments, notamment la conformité au vendeur, au prix, et à l’article.

Dans notre exemple MRO, certaines usines vont probablement continuer à acheter à leurs fournisseurs existants plutôt qu’auprès des nouveaux fournisseurs (non-conformité au vendeur), ou elles pourraient continuer à acheter des articles « hors spécifications » (non-conformité à l’article). Enfin, le fournisseur lui-même pourrait être non conforme, en n’honorant pas les prix agréés (non-conformité au prix). 

Par exemple, si l’accord MRO est paneuropéen, alors une des entités locales du fournisseur pourrait appliquer son propre prix plutôt que d’adhérer au prix agréé centralement.

Dans la plupart des cas, la conformité post-contrat n’est tout simplement pas mesurée ou contrôlée, car elle se trouve entre deux chaises – le département achats se retire du processus une fois que le contrat est signé, et les utilisateurs du contrat ne sont pas intéressés par la mesure des économies. On suppose simplement que les économies vont se matérialiser comme prévu, mais évidemment c’est naïf. 

Les entreprises leader mettent en place un processus proactif de mesure et de gestion de la conformité pour résoudre les problèmes de fuite liés à la non-conformité.

L’illustration ci-dessus donne un exemple réel de mesure de la conformité pour un contrat MRO mis en place par un client d’Efficio.

Il montre à quel point les conformités au vendeur, à l’article et au prix sont fragiles dans les deux premiers mois du contrat, et comment elles sont gérées à un niveau acceptable sur plusieurs mois.

Le point clé ici est que, laissé à elle-même, la conformité n’arrivera tout simplement pas… Elle doit être gérée. Gérer la conformité est un processus itératif, qui prend du temps, et qui implique:

  • D’identifier les cas de non-conformité

  • Revenir vers les utilisateurs pour comprendre les raisons de la non-conformité

  • S’attaquer aux causes, et/ou prendre des actions correctives/punitives lorsque c’est utile. Améliorer la conformité implique de changer les comportements, ce qui n’est jamais facile.

4.    Mauvais budget

Si l’argent économisé n’est pas retiré des budgets, alors le résultat sera une aubaine – c’est-à-dire que les différentes usines de l’entreprise vont simplement dépenser l’argent dans d’autres biens et services.

L’économie n’apparaitra au compte de résultat que si les sommes économisées sont retirées du budget de l’utilisateur. Souvent, cela n’est pas fait. Les bons CPO travaillent étroitement avec la direction financière pour s’assurer que les économies opérationnelles sont bien traduites en coupes budgétaires.

Quand et comment ces coupes sont faites est également important. Autant que possible, la direction financière doit chercher à réduire les budgets avant que le département achats ne procède au sourcing ; ainsi, le département achats peut se poser comme « l’ami » qui vient pour aider à économiser l’argent qui a été ôté par la direction financière.

5.    Mauvaises mesures

Bien entendu, faire le budget ne facilite en rien les économies opérationnelles – qui doivent toujours être consciencieusement suivies et mesurées.

Parce que beaucoup d’entreprises fonctionnent en silos fonctionnels, la mesure continue des économies générées par les achats passe entre les mailles du filet. Il n’est pas surprenant alors que les économies ne se retrouvent pas dans le compte de résultat.

6.    Changements des volumes ou de la composition

Cela peut dissimuler les économies réalisées, même s’ils ne les réduisent pas réellement. Ainsi, dans notre exemple de MRO, si l’entreprise ouvre une nouvelle usine, la dépense va augmenter, et si l’entreprise achète de nouvelles machines qui nécessitent des pièces plus coûteuses, alors la composition des articles va être impacté négativement. Ces changements doivent être pris en compte/corrigés avant que les économies du compte de résultat puissent être clairement déterminées.

Les entreprises leader mettent en place un processus proactif de mesure et de gestion de la conformité pour résoudre les problèmes de fuite liés à la non-conformité.

Travailler ensemble

Clairement, beaucoup de choses peuvent tourner mal lorsqu’une économie passe de la signature du contrat au bilan. Une perte de plus de 50% des économies se produira si les points de fuite ne sont pas gérés de manière proactive.

Pour ce faire, les entreprises doivent fonctionner efficacement entre les départements achats, financier et le gestionnaire du budget. En particulier, elles doivent s’assurer que : 

  1. Une de ces fonctions suit et gère la conformité
  2. Le département financier sort l’argent des budgets

Pour que cela se passe sans heurt, les départements achats, financier et le gestionnaire du budget doivent travailler ensemble dès le départ, et pas seulement lorsqu’il s’agit de trouver l’argent à la fin. A ce moment-là ils peuvent se mettre d’accord ensemble sur la baseline des coûts, la répartition des volumes par fournisseur, ainsi que le niveau de conformité tel qu’il apparait avec le temps. Préciser et capturer les économies devient alors facile.