Les événements récents, tels que la pandémie de COVID-19 ou encore la guerre entre la Russie et l'Ukraine, ont perturbé la capacité à anticiper la bon niveau d’approvisionnement et allongé les délais de livraison de nombreux produits pharmaceutiques, des principes actifs aux fournitures de laboratoire. Cette situation a suscité un vent de panique chez certains acheteurs de produits pharmaceutiques, entraînant ainsi la constitution de stocks de sécurité excessifs ayant un impact négatif sur le besoin en fonds de roulement et en augmentant la pression sur la chaîne d'approvisionnement.

Comment les équipes achats du secteur pharmaceutique peuvent-elles tirer parti des stocks de sécurité sans pour autant générer une série de conséquences négatives ?

L‘industrie pharmaceutique est aujourd'hui confrontée à diverses perturbations, parmi lesquelles se distinguent particulièrement :

  • Les contraintes de la chaîne d'approvisionnement. Les pénuries de matières premières pharmaceutiques n‘ont fait qu‘aggraver davantage les difficultés des chaînes d'approvisionnement, avec une augmentation des prix estimée entre 5 et 10 % en 2022, notamment pour les produits chimiques - en particulier ceux à base d'alcool - et les API (The Smart Cube, 2022).
  • L‘augmentation des coûts d'expédition. L'augmentation de la demande de transport par conteneurs, associée à une pénurie de conteneurs d'expédition, est susceptible de maintenir des taux de fret élevés à court terme. Les entreprises pharmaceutiques, notamment GSK, Bayer et J&J, ont constaté une augmentation de leurs coûts logistiques du fait de la pression inflationniste et de la volatilité des chaînes d'approvisionnement au niveau mondial. L‘apparition de nouvelles contraintes a bouleversé cette situation. La politique chinoise du zéro COVID a notamment entraîné la congestion des ports et la fermeture de certaines usines.

Pour les spécialistes de la chaîne d'approvisionnement, les stocks de sécurité sont le premier recours en cas de demande volatile et de fluctuations de l'offre, mais ils ne sont pas toujours la solution à privilégier. Comment les spécialistes de l'approvisionnement pharmaceutique peuvent-ils trouver le juste équilibre entre rupture de stock et surstockage ?

Les stocks de sécurité : une arme à double tranchant

Ces deux dernières années, les entreprises pharmaceutiques ont augmenté le niveau de leurs stocks de sécurité afin de se prémunir contre les risques - parfois réels, parfois psychologiques - d‘éventuelles ruptures de production ou de stock.

Une telle stratégie implique toutefois certains frais. Un besoin soudain de stocks supplémentaires ne peut être satisfait que par des commandes supplémentaires - tout aussi soudaines - auprès des fournisseurs. Ce - comportement provoque bien souvent des perturbations dans la planification et la chaîne d'approvisionnement de ces fournisseurs. Ce phénomène, également connu sous le nom "d‘effet coup de fouet", est un risque auquel les équipes chargées des achats doivent faire face lorsqu'elles essaient de préserver la sécurité de leur entreprise. Des stocks excessifs nuisent également au besoin en fonds de roulement.

Augmenter les niveaux de stocks de sécurité en fonction d'un besoin concret et d'un risque calculé peut faire la différence entre une organisation qui reste à flot et une autre qui coule. Le fait de laisser les stocks de sécurité s‘accumuler sur la base d'une perception non calculée du risque dans la chaîne d'approvisionnement porte un autre nom : l‘achat panique.

Comment calculer le juste niveau de stocks de sécurité

Dans le secteur pharmaceutique, comme dans nombre de secteurs, les stocks de sécurité sont mesurés en fonction de trois facteurs : le niveau de service souhaité, la demande et le délai d'exécution.

Le principe de "niveau de service" vise à répondre à la question suivante : sur 100 commandes, combien souhaitons-nous satisfaire ? Votre réponse ne doit pas être tributaire d‘événements extérieurs et rester la même en tout temps, excepté si vous décidez de modifier votre stratégie. Ainsi, les préoccupations relatives aux niveaux de service ne devraient pas être une raison d'augmenter vos stocks de sécurité en période d'incertitude.

La demande peut être trompeuse. Il est vrai qu‘en temps de crise, la demande de certains produits et services peut connaître d'énormes pics. La question importante est néanmoins la suivante : "À moyen terme, faut-il considérer que la demande a réellement changé, ou finira-t-elle par redevenir la même qu'avant ?" Un exemple frappant est celui de la pénurie de papier toilette observée dans certains supermarchés en mars 2020 - la demande à court terme avait certes augmenté, mais la consommation de papier toilette n‘a pas explosé sur le long terme. La demande de produits pharmaceutiques suit également une trajectoire normale (Candan, 2016) et s‘avère donc généralement stable à moyen terme (c.-à-d. au-delà de 12 mois). La demande ne constitue donc pas une raison impérieuse d‘augmenter les stocks de sécurité.

Le délai d‘exécution est le facteur le plus susceptible de fluctuer au long de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique. Lorsque ces délais n‘augmentent pas, une entreprise n‘a pas besoin de renforcer ses stocks de sécurité. Si, au contraire, une entreprise se voit contrainte de supporter des délais allongés, elle doit alors agir - mais il est essentiel qu‘elle le fasse de manière proportionnelle à la perturbation rencontrée.

Comment gérer les variations de délais dans la chaîne d'approvisionnement ?

  1. Discutez avec vos fournisseurs. Il est essentiel que vous échangiez régulièrement avec vos fournisseurs au sujet de la planification de vos marchandises, ce afin de pouvoir surveiller de manière continue leur capacité de production ainsi que leurs performances de livraison. Cela vous permettra en outre d‘identifier et de résoudre les problèmes éventuels de manière proactive.
  2. Tirez parti des meilleures technologies. Des solutions telles que des outils numériques de planification aident à une meilleure prise de décision au quotidien et améliorent la visibilité des délais d‘exécution, permettant ainsi de renforcer la chaîne d'approvisionnement tout en la rendant plus résiliente(VanRooyen, 2022).

Un client d'Efficio dans l’industrie pharmaceutique a récemment développé un outil de contrôle capable de fournir une prévision sur 12 mois des pénuries attendues pour les composants critiques. Cela a été rendu possible grâce à la collecte d’informations de planification de la production de ses fournisseurs de rang 1 et de rang 2. Cette exemple souligne que, des relations solides avec les fournisseurs - qui se traduisent par un accès à des données détaillées - combinées à une technologie de pointe peuvent fournir aux équipes achats des informations clés.

Les équipes achats de l'industrie pharmaceutique peuvent également s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres secteurs présentant des similitudes dans leur chaîne d'approvisionnement, notamment en ce qui concerne les exigences de température contrôlée ou la périssabilité des matières premières. Une grande entreprise alimentaire européenne a développé un outil de décision stratégique, permettant de segmenter les articles en stock en fonction de la volatilité de la demande et de l‘impact sur le chiffre d'affaires. Cette classification alimente automatiquement le calcul des stocks de sécurité par article et par entrepôt. En outre, l'outil identifie les possibilités de transferts de stocks internes entre plusieurs entrepôts situés sur un même continent afin d'ajuster la disponibilité des produits en surstockage ou en sous-stockage. L’outil prend en en considération l'emplacement, la durée de conservation et le coûts virtuels associés au surstockage et au sous-stockage des articles . Ceci est - un autre exemple de la manière dont la technologie peut nous aider à gérer des milliers d'UGS avec succès. 

Une voie à suivre pour la gestion des stocks de sécurité

Les stocks de sécurité n'existent pas sans raison, et ils doivent être utilisés en situation de risque à des fins de sécurité. Parallèlement, la modification des niveaux des stocks de sécurité ne doit pas être motivée par une perception trop générale du risque.

Les services achats doivent éviter de tomber dans le piège consistant à acheter "pour être tranquille" lorsqu'ils calculent les niveaux de stocks de sécurité nécessaires, et étayer leurs décisions à l‘aide de faits et de chiffres concrets. La technologie couplée à une relation de confiance avec les fournisseurs est généralement la solution la plus efficace pour obtenir de tels faits et chiffres.

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